22 décembre 2010

La pluie, avant qu'elle tombe - Jonathan Coe


Après plusieurs romans tels que le célèbre "Testament à l'anglaise" ou encore "La maison du sommeil", "La pluie, avant qu'elle tombe" est le 8ème et dernier roman en date, paru en 2007 et traduit en français en 2009, de l'écrivain britannique Jonathan Coe.

Suite à la mort de sa tante Rosamond, Gill retourne dans le Shropshire pour assister aux funérailles et vider la maison.
Alors qu'elle pénètre les lieux, elle tombe sur des albums photo ainsi que sur plusieurs cassettes enregistrées par Rosamond peu avant son décès. Une note figure sur l'un des boîtiers : " Gill, Ces cassettes sont pour Imogen. Si tu ne la retrouves pas, écoute-les toi-même".
Imogen, la petite fille aveugle que Gill avait croisé autrefois, est introuvable. Aussi Gill entreprend-t-elle d'écouter les enregistrements qui renferment 20 descriptions réalisées à partir d'anciennes photos et qui en disent long sur le passé des uns et des autres...

Je ne connaissais Jonathan Coe que de nom mais, en voyant les avis postés ici et là sur ce roman, j'avais hâte de faire connaissance avec cet auteur !
"La pluie, avant qu'elle tombe" constitue le testament de Rosamond légué à la petite Imogen.
J'ai beaucoup aimé le schéma narratif de ce roman. Etant donné qu'il est question de 20 photos ni plus ni moins, le chapitrage s'est imposé naturellement. Le récit n'en est pas pour autant linéaire car si les anecdotes se suivent, elles ne se ressemblent guère.
Bien sûr au départ, il est question pour Rosamond de décrire de son mieux les différents éléments qui composent la photo, l'occasion pour l'auteur de convoquer des images d'une infime précision et qui donnent assurément un certain relief au récit.
Les détails fournis par Rosamond n'ont rien d'anodin et concourent à dresser l'envers du décor, les différents niveaux de lecture de chaque photo pour soulever le climat glacial dans lequel baignent les différents personnages.
Les propos de Rosamond se révèlent teintés d'une mélancolie qui n'échappe pas à un certain cynisme, rien de plus normal lorsque l'on connaît les tenants et aboutissants de cette histoire traversée par 3 générations de femmes à qui le manque d'amour maternel fait cruellement défaut.
Mal aimées, irresponsables, lunatiques, toutes ont choisi de préférer un homme à leur propre enfant, pour s'en mordre les doigts, malheureusement trop tard, et céder la place à la suivante.
Et au milieu du jeu de quilles, Rosamond, cette femme qui essaiera toute sa vie de réparer les pots cassés, toujours à la recherche d'affection, et se voudra systématiquement mal reçue et manipulée. Une femme restée malgré tout sentimentale et à laquelle on ne peut que s'attacher.

J'ai été soufflée par la faculté de l'auteur à s'emparer d'un sujet aussi...féminin jusque dans sa sphère la plus intime, un don que je n'avais jusque là constaté que chez Stefan Zweig.
On sent également chez Jonathan Coe un goût accru pour le déterminisme dans cette façon de présenter ces différents destins comme liés par un sort indéfectible.
Dans la mesure où cette fatalité s'avère être le fil conducteur de l'histoire, cela ne m'a pas dérangée outre mesure sauf - et c'est là le seul bémol de ce roman selon moi - à la toute fin de l'histoire où il est question d'une énième coïncidence (ceux/celles qui l'ont lu se souviendront de l'épisode du chien !) que j'ai trouvée beaucoup trop grosse et qui selon moi était superflue.

Ce petit bémol mis à part, j'ai vraiment été enchantée par cette lecture !

" Je revois Thea fronçant les sourcils en méditant ces paroles, et puis elle a proclamé : "Eh bien moi, j'aime la pluie avant qu'elle tombe." Rebecca s'est contentée de sourire, mais moi j'ai répliqué (de façon assez pédante, je suppose) : "Tu sais, ma chérie, avant qu'elle tombe, ce n'est pas vraiment de la pluie. - Qu'est-ce que c'est alors?" Et j'ai expliqué : " C'est de l'humidité, rien de plus. De l'humidité dans les nuages." Thea a baissé les yeux et s'est de nouveau affairée à trier les galets de la plage : elle en a ramassé deux et s'est mise à les frapper l'un contre l'autre.
Elle semblait trouver plaisir à ce bruit et à ce contact. J'ai continué : "Tu comprends, ça n'existe pas, la pluie, avant qu'elle tombe, sinon ça n'est pas de la pluie."
C'était un peu ridicule de vouloir expliquer ça à une enfant, et je regrettais de m'être lancée là-dedans. Mais Thea ne semblait avoir aucun mal à saisir ce concept - bien au contraire : au bout de quelques instants, elle m'a regardée avec pitié en secouant la tête, comme si c'était éprouvant pour elle de discuter de ces matières avec quelqu'un d'aussi obtus.
" Bien sûr que ça n'existe pas, elle a dit. C'est bien pour ça que c'est ma préférée. Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas vrai?"
Et puis elle a couru dans l'eau avec un sourire jusqu'aux oreilles, ravie que sa logique lui ait valu une si insolente victoire." p.164

"La pluie, avant qu'elle tombe" était une lecture commune avec Liliba que je remercie de m'avoir attendue et dont je file découvrir le billet.
Merci à Choco pour ce cadeau offert à Bruxelles :)

D'autres avis chez BOB !

17 commentaires:

  1. Il est sur ma LAL depuis un moment, j'ai toujours l'intention de le lire, du coup je découvrirai l'auteur en même temps.

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  2. Je le note immédiatement, ton billet a su me donner envie!

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  3. Je finirai peut-être par le lire depuis le temps que j'en ai envie! En tout cas ton billet entretient ma curiosité envers cet auteur!

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  4. Je suis comme toi ! J'ai découvert cet auteur avec ce livre et j'ai été conquise !!!

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  5. Joli billet (comme toujours). Je note de lire autre chose de cet auteur un de ces jours...

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  6. je n'ai que modérément apprécié, je me suis d'ailleurs sentie un peu seule avec tous les avis enthousiastes que j'avais lus - c'est un pastiche-hommage à la romancière britannique rosamond lehmann, et personnellement je préfère celle-ci

    par contre, j'ai "testatment à l'anglaise" dans ma pal - je compte bien l'en sortir en 2011

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  7. Chouette, revoilà Cynthia ! Et pour nous causer de Coe en plus ! J'ai beaucoup aimé son "Testament à l'anglaise" qui m'avait vraiment impressionnée, je suis donc preneuse pour celui-là, je n'avais pas besoin de grand-chose pour me convaincre...

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  8. Ah zut, encore un livre à mettre sur ma LAL ;)

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  9. il est dans ma lal depuis quelques temps... ya plus qu'à

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  10. Testament à l'anglaise, que je te recommande, est complètement différent!
    Et j'avais aussi déploré les coïncidences qui n'apportent rien (à mon avis)

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  11. j'avais beaucoup aimé ce roman aussi ! je te souhaite de très bonnes fêtes de Noël ma belle en espérant que nous aurons l'occasion de nous rencontrer en 2011 !
    Bises

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  12. Je garde un magnifique souvenir de ce livre. Il m'avait vraiment happé !

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  13. Ce roman-ci est très différent dans l'oeuvre de Coe et je ne suis pas étonnée qu'il t'ait plu ! Je me demande par contre si tu aimeras les autres ! Je ne suis pas sûre, peut-être "La maison du sommeil" ? (ben oui, je crois que je commence à cerner tes goûts ;-) )

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  14. Un roman que j'avais trouvé presque envoutant, par son écriture très féminime.

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  15. Comme quoi, pourrir ta PAL a du bon... ;)
    Bon, c'est pas tout ça mais moi faudrait ptet que je m'y mette à Coe... ahem...

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  16. IL m'avait beaucoup plu aussi. Je me rappelle que la fin m'avait laissée sur ma faim (je me rappelle surtout la faute d'orthographe dans mon billet, trop paresseuse pour aller la corriger) mais je ne sais trop pourquoi...

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  17. Aahh ! Ca fait un moment que ce livre est dans ma liste, et toujours pas lu !!!

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