21 avril 2011

" Ô mon George, ma belle maîtresse... " - Alfred de Musset et George Sand


"Ô mon George, ma belle maîtresse" est un recueil regroupant la majorité des lettres échangées entre les écrivains George Sand et Alfred de Musset.

" Mais quand tu seras seul, quand tu auras besoin de prier et de pleurer, tu penseras à ton George, à ton vrai camarade, à ton infirmière, à ton ami, à quelque chose de mieux que tout cela ; car le sentiment qui nous unit s'est formé de tant de choses, qu'il ne peut se comparer à aucun autre.
Le monde n'y comprendra jamais rien, tant mieux, nous nous aimerons, et nous nous moquerons de lui." p.31

Juin 1833. A 29 ans, forte de ses succès littéraires "Indiana" et "Valentine", George Sand a le vent en poupe. Malheureusement, les amours ne suivent pas.
Mais lors d'un dîner, elle fait la rencontre du vicomte Alfred de Musset, de 6 ans son cadet, qu'elle invite à venir lui rendre visite.
Une correspondance débute alors mais s'interrompt rapidement car les deux écrivains, devenus amants, ne se quittent plus.
Lorsque George Sand contracte une dysenterie qui l'oblige à garder le lit, Musset préfère aller voir ailleurs que de rester au chevet de sa bien-aimée.
Alors qu'il tombe malade à son tour, elle se réfugie dans les bras de son médecin, Pietro Pagello.
Les échanges épistolaires reprennent de plus belle, les amants se rabibochent, se séparent à nouveau et remettent le couvert jusqu'au début de l'année 1835 où George Sand décide de quitter définitivement Musset.

" Mais ton coeur, mais ton bon coeur, ne le tue pas, je t'en prie. Qu'il se mette tout entier ou en partie dans tous les amours de ta vie, mais qu'il y joue toujours son rôle noble, afin qu'un jour tu puisses regarder en arrière et dire comme moi, j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois mais j'ai aimé.
C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.
J'ai essayé ce rôle dans les instants de solitude et de dégoût, mais c'était pour me consoler d'être seul, et quand j'étais deux, je m'abandonnais comme un enfant, je redevenais bête et bon comme l'amour veut qu'on soit." p.62

La première lettre de ce recueil date du 23 juillet 1833 mais les archives attestent de l'existence de lettres datant du mois de juin. J'ignore pour quelle raison l'éditeur a jugé bon de sucrer ces premiers échanges...
Dans cette lettre, Musset témoigne à George Sand sa profonde admiration pour son roman "Lélia" et lui déclare ses sentiments dès le lendemain tout en appréhendant sa réaction.
La correspondance reprend à Venise le 27 mars 1834 lorsque Musset, guéri, regagne Paris sans George Sand.
Il reconnaît lui avoir fait beaucoup de mal mais se dit heureux de ne pas l'avoir détournée de l'amour puisqu'elle peut compter sur un homme qui l'aime.
Restée sans nouvelles de sa part, George Sand s'inquiète de son état de santé et affirme ne rien regretter de leur histoire puisque c'était là leur destinée que de ne jamais se comporter en amants ordinaires.
Elle lui fait part de ses tendances au spleen, de ses soucis financiers (son orgueil lui fera d'ailleurs toujours refuser son aide), lui soumet des manuscrits et le charge de certaines courses (la fin de chacune de ses lettres se veut d'ailleurs étonnamment pragmatique).
De son côté, Musset tente péniblement de reprendre goût à la vie et à l'amour.
Malgré leur séparation, tous deux continuent à maintenir cette amitié singulière qui les unit tendrement.

" Dans mes jours d'angoisse et d'injustice, j'étais jalouse de tous les biens que tu pouvais et que tu devais me préférer. Aujourd'hui je t'aime sans fièvre et sans désespoir. Je voudrais te mettre sur le trône du monde et t'inviter à venir quelquefois fumer et philosopher dans ma cellule.
Te voir arrivé à l'éclat que doit avoir ta destinée et te voler au monde de temps en temps pour te donner les joies du coeur, c'est ce que j'ambitionne et c'est ce que j'espère." p.41

Ces lettres sont cependant pleines de contradictions ! Tous deux se souhaitent l'un à l'autre d'être heureux et de trouver l'amour mais pleurent à l'idée d'en être exclus.
Sand requiert la présence de Pagello pour prendre soin d'elle mais éprouve tout autant le besoin de materner un homme, en l'occurrence Musset qu'elle se plaît à appeler son "enfant".
Quant à Musset qui se dit heureux de la savoir comblée par un autre, ses dernières lettres montrent bien que leur amitié ne lui a jamais suffi.
La correspondance s'achève d'ailleurs brutalement, lorsque George Sand comprend que leur bonheur à tous les deux exige qu'ils rompent tout contact.

" Qu'allons-nous devenir? Il faudrait que l'un de nous eût de la force, soit pour aimer, soit pour guérir, et ne t'abuse, nous n'avons ni l'une ni l'autre, et pas plus l'un que l'autre." p.135

J'ai passé quelques heures dans l'intimité de deux êtres très doués pour parler d'amour, beaucoup moins pour le vivre sans se déchirer...
Comme le dit très justement George Sand, "L'amour c'est le bonheur qu'on se donne mutuellement". A l'évidence, ces deux-là ne savaient pas s'aimer sans se faire souffrir l'un et l'autre.
Dommage pour eux, mais tant mieux pour le lecteur qui peut se délecter de cette prose passionnée et délicieusement surannée.

" Exercer les nobles facultés de l'homme est un grand bien, voilà pourquoi la poésie est une belle chose. Mais doubler ses facultés, avoir deux ailes pour monter au ciel, presser un coeur et une intelligence sur son intelligence et sur son coeur, c'est le bonheur suprême. Dieu n'en a pas fait plus pour l'homme; voilà pourquoi l'amour est plus beau que la poésie." p.78

La correspondance entre George Sand et Alfred de Musset est consultable dans son intégralité et gratuitement sur le site Gallica. Cliquez sur l'image ci-dessous pour y accéder.

Correspondance de George Sand et d



10 commentaires:

  1. En voilà une lecture qui m'intéresse énormément !! Je note, je note. Merci pour le lien sur Gallica, je lirai les correspondances dessus.

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  2. C'est une belle histoire. Dommage qu'elle se soit si mal terminée! De toutes façons, je les vois mal vieillissant ensemble!

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  3. noté pour le challenge, merci beaucoup :) je vais aussi aller jeter un oeil au lien

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  4. @Marion : elles y sont au complet et il y a même les manuscrits originaux ;)

    @Mango : oui, c'est l'histoire d'une passion au premier sens du terme...

    @Anneso : c'est toujours un plaisir que de participer à ton challenge ;) Le genre épistolaire me plaît toujours autant !

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  5. Merci pour le lien vers Gallica, je vais aller voir déjà là. J'ai la correspondance de Flaubert-George Sand que je découvre par petits bouts, c'est un régal et je continuerai bien.

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  6. c'est une correspondance que j'ai envie de lire depuis longtemps !

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  7. c'est vraiment une correspondance d'écrivains comme était leur amour. Deux auteurs romantiques amoureux... au moins nous avons quelques lettres, beaucoup ont été détruites je crois !
    merci pour ta participation !

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  8. Oui, je l'ai lu et c'est vraiment à recommander! Très beau et très émouvant!

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  9. Voici une référence que je ne connaissais pas, pour ma part je recherche désespérément le recueil de cette correspondance publié chez flammarion, épuisé bien sur! Un jour peut être...
    Je me suis permise de vous mettre en lien sur notre blog
    A bientôt

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  10. Personnellement j'ai lu cette correspondance, il y à un tas de chose magnifique dedans ! Des tas de paroles qui ne se fanent jamais, j'adore la lire, et la relire !
    (Celle que j'ai lu se trouve à la fin de "on ne badine pas avec l'amour".)

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