5 avril 2014

Cette nuit, je l'ai vue - Drago Jancar


Publié en 2010 et disponible en français depuis le mois de janvier, "Cette nuit, je l'ai vue" est un roman de l'écrivain slovène Drago Jancar.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, dans une Yougoslavie désormais gouvernée par le communiste Tito, amant, ami, mère et gens de maison se relayent pour évoquer la disparition brutale, le jour du Nouvel An 1944, de Léo et Veronika Zarnik.
Certains s'en inquiètent, d'autres en témoignent.
Mais tous s'accordent à dire que si Léo se montrait assez réservé, Veronika était une femme lumineuse, pleine de vie, insouciante et vraisemblablement désintéressée de la chose politique.
Comment une telle femme aurait-t-elle pu être absorbée par la noirceur de la guerre ?

" On vit une époque où on ne respecte que les gens, vivants ou morts, qui étaient prêts à se battre, même à se sacrifier pour les idées qu'ils ont en partage. C'est ce que pensent les vainqueurs et les vaincus. Personne n'apprécie les gens qui ne voulaient que vivre. Qui aimaient les autres, la nature, les animaux, le monde, et se sentaient bien avec tout ça. C'est trop peu pour notre époque. Et même si moi, je peux me compter parmi ceux qui, bien que vaincus, ont combattus, au fond, moi je voulais seulement vivre. Que cela ait un sens m'a été révélé par cette femme, curieuse, joyeuse, ouverte à tout et un peu triste que j'ai rencontrée dans un pays lointain qui m'est proche. Veronika. Elle voulait seulement vivre en accord avec elle-même, elle voulait se comprendre et comprendre les gens autour d'elle."

Lorsque j'ai commencé ce roman, c'était guidée par l'envie de savoir ce qui était arrivé à ce couple et surtout à cette femme toute en contrastes vis-à-vis du monde qui l'entoure et donc pour le moins intrigante.
Or, plus je m'enfonçais dans le récit et plus ma curiosité allait à reculons. Il faut dire que ce roman polyphonique a pour particularité de converger toujours un peu plus, au fil des confessions des cinq narrateurs, vers le moment à la fois attendu et redouté de l'explication quant à la disparition des Zarnik.
Un vrai puzzle associé à une guerre qui impose de devoir forcément désigner un coupable et choisir son camp.
Partisans ou gestapistes, survivants ou suppliciés, au final personne n'est épargné, ne serait-ce que par sa conscience, traversée par les regrets ou soulagée par le déni.
Tour à tour, chaque personnage replonge dans la douleur de sa mémoire pour faire revivre le souvenir de ce couple et particulièrement de Veronika, cet être précieux dont le parcours s'inscrit fatalement dans la grande Histoire.
J'ai aimé ce juste équilibre, ce fondu entre réalité historique et fiction romanesque souligné par une aisance et une précision dans l'écriture.
L'auteur a selon moi réussi à mesurer et à reproduire toute la complexité des enjeux de cette période sombre en l'habitant de personnages nuancés, faillibles donc humains.
J'ai frôlé le coup de coeur (ah j'aurais aimé que l'officier Stevo ait un peu plus de place dans l'histoire) et j'ai achevé cette lecture non sur des larmes mais avec un profond sentiment de révolte et d'injustice.
Mais comme le dit l'expression, avec des "si" et des "mais", on ne refait pas le monde. Surtout pas celui-là.

J'ai volontairement fait en sorte de ne pas trop en dévoiler sur le contenu de ce roman car j'espère vraiment que mon billet vous donnera envie de le découvrir.
Si vous hésitez encore, l'excellent billet de Marilyne achèvera certainement de vous convaincre :)


MERCI à Babelio de m'avoir envoyé ce roman dans le cadre de sa dernière opération Masse Critique.

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4 commentaires:

  1. Je l'avais repéré en librairie et chez Maryline, la couverture est belle en plus. J'espère que ma bibliothèque l'aura ou qu'il sortira en poche.

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  2. Tu laisses planer ce doute qui donne envie d'en savoir plus.

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  3. Une excellente lecture. Comme toi, la curiosité d'abord, pour l'auteur, pour son personnage féminin, puis prise par la narration, m'attardant sur chacun des narrateurs qui se racontent à travers Véronika ( mais contrairement à toi, je ne me suis pas attachée à l'officier - si ce n'est pour le récit de " sa " guerre - mais plutôt au médecin allemand. Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander pourquoi Leo n'a pas eu la parole... )

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