14 mai 2014

Groenland Manhattan - Chloé Cruchaudet


Publié en 2008 et récompensé par le Prix René Goscinny, "Groenland Manhattan" est un album de l'illustratrice française Chloé Cruchaudet, qui a notamment réalisé la série Ida (voir ici et ) et l'album "Mauvais genre".

Groenland, 1897. Comme chaque année, le Commandant Robert Peary, faute de trouver le Pôle Nord, s'apprête à ramener une météorite au Museum d'histoire naturelle.
Pour faire sensation, il propose à un groupe d'Inuits de l'accompagner à New-York. Curieux, Minik et son père embarquent pour l'Amérique, un continent dont ils ne savent absolument rien.
Logés et nourris par le Museum, ils sont étudiés par une poignée de scientifiques et tombent mystérieusement malades. Livré à lui-même, Minik est confié à la famille du directeur du Museum (il prendra ainsi le nom de Wallace) alors qu'il n'aspire qu'à rentrer chez lui.

"Groenland Manhattan" s'inspire de personnages réels et de tristes faits ayant pris place dans cette Amérique marquée par la Conquête de l'Ouest.
Le récit commence "gentiment" même si l'on sent déjà que Peary fait peu de cas des "Esquimaux" et les appâte avec des vivres sommaires.


Les points de vue de Peary et des Inuits les uns sur les autres s'avèrent plutôt amusants à découvrir.
Mais à peine rentré à New-York, Robert Peary s'en désintéresse totalement et s'occupe de sa promo : seule compte sa carrière, la reconnaissance de ses pairs et du grand public.


Abandonnés à leur sort, Minik et ses compagnons sont traités comme des bêtes de cirque et sans respect aucun. Autant dire qu'au nom de la science, certains prennent tout ce qu'ils peuvent prendre et se permettent des choses qu'ils ne tolèreraient jamais pour l'un d'entre eux.
J'ai été émue et révoltée d'un bout à l'autre de ma lecture par le parcours chaotique de Minik (dont je n'avais jusqu'ici jamais entendu parler), ce petit garçon déraciné et privé d'innocence, coincé entre souvenirs et choc culturel et qui ne parvient pas à se défaire d'une éducation occidentale reçue contre son gré.


Contrairement à la série Ida, ce sont les tons froids (à la limite du terne) qui dominent ici, tant au Groenland qu'à New-York car le contexte dans lequel s'inscrit cet album ne pouvait donner lieu qu'à une ambiance glaciale.
Comme indiqué dans mes billets sur la série Ida, j'ai toujours un peu de mal à apprécier les expressions des personnages, parfois "défigurés" dans le trait.

"Groenland Manhattan" est le récit d'une histoire singulière mais laquelle figure parmi les nombreuses dérives du colonialisme.
"Mauvais genre", "Ida", "Groenland Manhattan". Ce n'est pas la première fois que l'auteure nous rappelle que la différence est malheureusement souvent le siège des inégalités.
En se protégeant derrière la science ou une quelconque autorité supérieure conférée à la naissance, plusieurs générations d'hommes se sont laissées aller à tous les abus dans leur rapport à l'autre.
L'histoire de Minik dresse le triste constat qu'on peut briser une vie sans recourir à une arme.

Un album fort, assurément.


D'autres avis : Choco - Noukette - Keisha - Géraldine - Theoma


11ème participation à la bd du mercredi chez Mango

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8 commentaires:

  1. C'est grâce à toi que j'ai lu "Mauvais genre", repéré sur ton blog. Je note donc ce nouvel album de Chloé Cruchaudet !

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    1. C'est l'un de ses précédents albums mais je pense que tu l'aimeras ;)

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  2. Il faudrait bien que je le relise, un bon souvenir.

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  3. Ma première rencontre avec l'auteure, un excellent souvenir...!

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  4. J'avais aimé aussi cette histoire... Cela me rappelle qu'il faudrait que je lise Mauvais genre.

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  5. C'est bien triste, cette histoire! Je ne connais que "Mauvais genre" pour le moment mais je lirais bien volontiers cet album-ci aussi. Cruchaudet choisit des sujets très forts, décidément!

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  6. Je préfère le dessin de "Mauvais genre" au premier coup d'oeil mais c'est un album que j'ai bien envie de lire.

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