4 septembre 2011

Trouble - Helene Uri


Paru en juin dernier, "Trouble" est le premier roman traduit en français de la romancière norvégienne Helene Uri.

Tout avait commencé par une dispute de couple. Agacée par l'indifférence de son mari, Marianne avait confronté Karsten et réussi à lui faire avouer qu'il avait, durant leur mariage, connu 4 maîtresses dont Barbara, une femme de 10 ans sa cadette qu'il fréquentait depuis un an.
Marianne s'était sentie trahie et lui avait dès lors annoncé sa ferme intention de le quitter.
Karsten s'y était refusé, principalement par crainte de se voir séparé de leurs deux filles, Henriette et Elise.
Les choses s'étaient ensuite précipitées. Marianne avait commencé à douter du genre d'amour que son mari nourrissait à l'égard de leurs filles.
Elle était allée voir Edvard Frisbakke, procureur spécialisé dans les affaires d'abus sexuel de mineurs, qui l'avait convaincue de faire procéder à des examens des deux fillettes.
Le monde de Marianne s'effondra en découvrant les avis unanimes des experts.
Comment avait-elle pu aimer un homme qui en plus de la tromper à maintes reprises, s'en était aussi pris à leurs filles qu'il disait tant aimer ?
Vingt ans plus tard, à l'enterrement de Karsten Wiig, chacun examine ses sentiments pour le défunt à la lueur des événements passés...

Après avoir découvert le résumé de ce roman, je m'attendais à y trouver quelque secret de famille enfoui et, dans la mesure où l'on faisait mention d'un roman "dérangeant", je m'attendais à des révélations de taille.
"Trouble" est un roman terrible en regard de sa thématique de fond - l'inceste - mais également en raison de l'erreur judiciaire sur laquelle il lève le voile au fil du récit.
Le point fort de ce roman est qu'il ne délaisse aucun personnage.
Le procureur Edvard Frisbakke apparaît comme un homme droit dans ses bottes, toujours prompt à faire en sorte que justice soit faite et qui met un point d'honneur à faire condamner tous les hommes suspectés de pédophilie.
Pourquoi tant d'acharnement ? Sans doute parce qu'il porte en lui un lourd secret qui le pousse à se faire pardonner en faisant le bien autour de lui.
Marianne Wiig est une femme accablée par la trahison de son mari et une mère qui culpabilise de ne pas avoir su protéger ses filles d'un père "trop aimant".
Elise est sa fille cadette dont le témoignage sans équivoque a contribué à la condamnation de son père. Henriette, elle, a toujours douté de la culpabilité de son père dont elle ne garde que des souvenirs heureux.
Quant à Karsten Wiig, c'est un homme brisé qui souffre au jour le jour d'être relégué à un monstre et de ne plus pouvoir être un père pour ses filles. Il a toujours clamé son innocence et espère, après avoir purgé sa peine, pouvoir reprendre contact avec elles.

"Trouble" évoque les retombées d'une erreur judiciaire sur plusieurs êtres, tous persuadés de détenir la vérité et possédés par un lourd sentiment de culpabilité.
Le sort fait à Karsten Wiig fait l'effet d'un drame révoltant. Mais comment reprocher à sa femme de vouloir aller au bout des doutes qui l'envahissent ? Comment en vouloir à sa fille de tenir pour vrai des souvenirs fermement ancrés dans sa mémoire d'enfant ?
"La vérité sort de la bouche des enfants" dit-on. Mais comment leur accorder tout crédit sachant que la confusion, l'imagination ou l'interprétation peuvent parfois s'immiscer dans leurs déclarations ?
Difficile de ne pas penser à l'Affaire d'Outreau dont les enfants ne furent pas les seules victimes.
En cela, "Trouble" pointe du doigt un système judiciaire poussif capable de transformer un père tendre en pédophile, en construisant une culpabilité sur base d'éléments contestables.

"Trouble" est un roman percutant, dérangeant par les interrogations qu'il sous-tend, brillant pour la fine analyse psychologique de ses personnages.
Porté par un rythme lent, partagé entre doux souvenirs d'enfance et destins brisés, le récit laisse le temps au lecteur de se faire un avis sur chacun en toute objectivité car Helene Uri a choisi d'abandonner tout jugement moral à leur égard.
Un roman qui me marquera longtemps et que je recommande à tous ceux que le thème de fond ne rebute pas !

" Il se retourne presque complètement sur son siège et suit Elise des yeux jusqu'à ce qu'elle passe le coin, bras dessus, bras dessous avec sa meilleure copine, Elin.
Et voici Henriette. Douce, douce Henriette. Comme elle est jolie ! Elle remonte lentement la rue en compagnie d'un garçon, un garçon roux mesurant une demi-tête de moins qu'elle.
Rien qu'eux deux. Ils discutent gravement, et veillent sans cesse à ne pas trop s'approcher l'un de l'autre.
Les dix centimètres qui les séparent persuadent Karsten qu'ils sont "ensemble", et il se met en colère.
Ce n'est pas la jalousie classique des pères à l'égard des garçons qui font du gringue à leurs filles, non, c'est de la colère à l'adresse de Marianne.
Non, ce n'est pas ça non plus : il n'est pas en colère.
C'est un chagrin dont il ne se débarrassera jamais, le chagrin que lui, leur père, ressent parce qu'il ne peut pas voir ses filles grandir.
Ce n'est pas de colère qu'il donne des coups sur le siège passager, qu'il a envie de se taper la tête contre le volant." p.251


Un autre avis : Calypso

MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !


15 commentaires:

  1. Il a mis du temps à arriver jusqu'à toi ce livre, mais ça valait la peine, je suis ravie.

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  2. Pas certaine d'oser la lecture !
    Mais la première de couverture est magnifique !

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  3. @Ys : au sens propre comme au figuré :)
    Moi aussi je suis ravie ! C'est un roman que j'ai vraiment beaucoup aimé, malgré la dureté du thème.

    @Lili Galipette : si tu appréhendes les détails scabreux, rassure-toi, ils sont loin de dominer le récit.
    C'est surtout un roman axé sur la façon dont chacun vit avec SA vérité.

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  4. J'ignorais du thème de ce roman. Ton avis me convaincs de le noter. Ton billet est excellent.

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  5. @Manu : si mon billet t'a encouragée à noter ce livre, j'en suis ravie car c'est un roman profond qui ne peut laisser sans réaction !

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  6. Fifille number one l'a dans sa PAL après c'est à mon tour !

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  7. Je le note, même si je ne veux pas forcément le lire tout de suite. Dans la même veine sort un film mercredi avec Philippe Torreton qui va être aussi costaud, sur Outreau justement.

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  8. Tu as écrit un beau billet.
    Ce roman m'a fait penser à un autre, différent mais semblable à la fois, Présumé coupable.

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  9. IL ne voyagerait pas, ton livre, par hasard ??? Ou alors il viendrait fortuitement prochainement sur Lille ???

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  10. As-tu bien reçu mon mail pour le challenge Thriller ?

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  11. Le sujet ne me tente pas ces temps ci...

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  12. Intéressant ce roman... Je retiens ta proposition de livre voyageur, même si je passe pour l'instant ! J'espère qu'il rencontrera plein de lecteurs ! ;-)

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  13. Je note immédiatement ce roman que je n'avais pas repéré lors de sa sortie en juin. Ton avis plus la couverture me font saliver d'avance.
    Anne(De poche en poche)

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