11 avril 2013

Crimes exemplaires - Max Aub



Publié en Espagne en 1957 et traduit en français en 1997, "Crimes exemplaires" est un recueil de courts textes rédigés par l'écrivain espagnol d'origine allemande Max Aub.

"Crimes exemplaires" rassemble près de 130 confessions émanant d'êtres ayant laissé libre court à leurs pulsions meurtrières.
Les protagonistes comme les victimes sont anonymes, ces dernières ayant pour seul point commun de s'être trouvées au mauvais endroit au mauvais moment.
Toutes ont été assassinées pour des motifs divers, souvent futiles voire complètements absurdes, en réaction à une situation jugée injuste et insupportable.
Les coupables n'expriment aucun repentir et ne tirent aucune fierté de leur geste, justifiant celui-ci comme résultant d'une exaspération passagère qui a dérapé.
Il n'est pas rare qu'une certaine fausse mauvaise foi s'invite entre les lignes.

" Je suis couturier. Je ne le dis pas pour me flatter, ma réputation est bien établie : je suis le meilleur couturier du pays. 
Cette femme tenait absolument à ce que je l'habille. Une fois arrivée chez elle, de son manteau elle se fit une veste et cela comme si c'était sa propriété absolue.
A ce vêtement vert elle assortit l'écharpe orange de son ensemble gris de l'année passée et des gants  couleur de rose.
Subrepticement j'ai attaché son voile à la roue de la voiture. Le démarrage a fait le reste.
C'est au vent seulement qu'on doit jeter la pierre." p.39

" Il m'a brûlé avec une cigarette, très fort. Je ne dis pas qu'il l'ait fait volontairement, mais la douleur est la même. Il m'a brûlé et m'a fait mal, j'ai vu rouge et je l'ai tué.
Moi non plus, je n'avais pas l'intention de le faire, mais j'avais cette bouteille à la main." p.41

La mort et le meurtre se répandent ici en tellement d'anecdotes que mis bout à bout, ces courts textes renvoient l'acte meurtrier à une certaine banalité, faisant de celui-ci un geste du quotidien aux raisons diverses.
C'est à peine si je me rendais compte de ce qui se passait que le crime était déjà commis. Ce qui ne m'a pas empêchée de sourire plus d'une fois en songeant à certaines situations qui auraient pu me pousser au meurtre (mon très bruyant ancien voisin par exemple ^^).
Tout est dit en quelques phrases ciselées dont se dégage une certaine impertinence, une insouciance toute enfantine.
Amateurs d'humour noir, cet ouvrage est à savourer :)

" Il m'avait éclaboussé de haut en bas. Ceci passe encore...Mais il avait surtout entièrement trempé mes chaussettes. Et ça ne je puis pas le supporter. Je n'y résiste pas. Pour une fois qu'un piéton tue un malheureux chauffeur, on ne va pas ameuter la terre entière." p.102

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