13 mars 2011

Un certain sourire - Françoise Sagan


"Un certain sourire" est le deuxième roman de Françoise Sagan, publié en 1956 soit deux ans après "Bonjour Tristesse".

Dominique, étudiante en droit à la Sorbonne, entretient une liaison avec Bertrand depuis un an.
Entre eux, ce n'est pas la folle passion mais Dominique s'en accommode.
Un jour, Bertrand lui présente Luc, son oncle voyageur qui est marié à Françoise. Le charme opère et les deux couples se fréquentent de plus en plus souvent. Même si Dominique apprécie énormément Françoise, elle ne peut s'empêcher de penser à Luc, cet homme plus âgé, séduisant et sûr de lui et qui a su la troubler en ce qu'il partage avec elle ce même ennui pour l'existence.
" Bertrand était mon premier amant. C'était sur lui que j'avais connu le parfum de mon propre corps. C'est toujours sur le corps des autres qu'on découvre le sien, sa longueur, son odeur, d'abord avec méfiance, puis avec reconnaissance." p.15

C'est en 3 parties et à travers la voix de Dominique que l'histoire se déploie. Comme dans "Bonjour Tristesse", on retrouve ce triangle amoureux en huis-clos avec en son centre ce même personnage de la jeune femme insouciante et lascive, blasée avant l'heure, en proie à la solitude d'une vie qui lui semble vide et ennuyeuse.

" La confiance, la tendresse, l'estime ne me paraissaient pas dédaignables et je pensais peu à la passion. Cette absence d'émotions véritables me semblait être la manière la plus normale de vivre.
Vivre, au fond, c'était s'arranger pour être le plus content possible. Et ce n'était pas si facile." p.18

Livrée à elle-même, peu sûre d'elle et de son physique, elle trouve du réconfort auprès d'adultes plus âgés qui la revalorisent, la prennent en charge et la couvrent d'attentions.
Françoise se comporte avec Dominique comme le ferait une mère, la complimente, lui fait des cadeaux et la jeune femme éprouve d'autant plus de remords à désirer son mari.

" Elle avait des rides assez sévères au coin des yeux. J'y posai mon index :
" Moi, je trouve ça merveilleux, dis-je tendrement.
Toutes les nuits, tous les pays, tous les visages qu'il a fallu pour avoir ces deux minuscules petites lignes là...Vous y gagnez. Et puis ça donne l'air vivant. Et puis, je ne sais pas, moi, je trouve ça beau, expressif, troublant. J'ai horreur des têtes lisses. " p.47

Mais Luc sait se montrer à la fois persuasif et déconcertant. Il joue les indifférents et fixe les règles tout en faisant en sorte que Dominique s'attache à lui.
Dominique est partagée entre l'envie et le désir coupable. Elle n'a pas été habituée à devoir prendre des décisions.
Elle aime Luc, se surprend à imaginer la vie qu'ils auraient pu avoir mais n'entreprend rien, se contentant des moments qu'il consent à lui offrir.
" Je mentais. J'aurais voulu lui dire que je mentais et qu'à la vérité j'avais besoin de lui, mais tout cela, dès que j'étais à son côté, me semblait irréel. Il n'y avait rien; il n'y avait rien eu que quinze jours agréables, des imaginations, des regrets. Pourquoi être ainsi déchirée? Douloureux mystère de l'amour, pensais-je avec dérision.
En fait je m'en voulais, car je me savais assez forte, assez libre, assez douée pour avoir un amour heureux." p.111

On retrouve dans les propos de la narratrice cette mise à distance par rapport aux événements qui donne cette impression d'indifférence feinte. Sagan possède cette façon singulière de nous raconter une histoire un peu comme si de rien n'était, par le biais de personnages "spectateurs" qui semblent ne jamais réellement prendre part à leur vie, comme si tout leur échappait hormis la solitude et cette souffrance qu'ils retournent bien souvent contre eux-mêmes plutôt que d'en faire le reproche à autrui.
Les personnages de Sagan sont complexes : ils ont de quoi accéder au bonheur mais n'y parviennent jamais réellement. Si l'ennui qui les guette fait l'ambiance des romans de Sagan, l'auteure parvient à lui donner suffisamment de consistance que pour nous le transmettre sans nous en détourner.
En un mot, je continuerai à lire Sagan avec bonheur !

D'autres avis : Choco - Cécile QD9

18 commentaires:

  1. Il faut que je continue ma découverte de l'auteure !
    Bon dimanche.

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  2. J'aime beaucoup ce titre, et je pense aussi lire ce roman !
    Merci pour ta participation !!

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  3. Une auteure dont j'oublie les livres aussi vite que je les ai lu.

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  4. Je ne lis pas ton billet cette fois-ci car j'ai justement pris ce livre dans une bouquinerie vendredi.
    Mais je reviendrai ;) plus tard

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  5. J'ai lu et relu ce livre mais j'en oublie toujours l'intrigue précise. De Sagan, je ne retiens que sa fameuse petite musique, un certain ton, une certaine ambiance et je l'aime toujours autant.

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  6. Déjà lu il y a longtemps, je vais faire une relecture pour le challenge.

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  7. Pas lu celui-ci on dirait que cette une tres grande 'cuvee' !!

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  8. @Lili Galipette : pour l'instant je ne m'en lasse pas !

    @George : j'ai dans ma PAL de quoi franchir le second niveau, je continue donc sur ma lancée et avec plaisir ;)

    @Alex : arf, pour l'instant ce n'est pas mon cas mais comme Sagan aborde les mêmes thèmes dans ces romans, il est possible que je finisse par tout mélanger

    @myrddin : bonne lecture alors ;)

    @Mango : il n'y a pas vraiment d'intrigue dans celui-ci, et même la fin est un peu floue...

    @Danièle Duteil : tout à fait !

    @Delphine : je le relirai certainement un jour

    @L'Ogresse : ce roman donne un goût de déjà vu à qui a lu "Bonjour tristesse" mais j'aime l'écriture de Sagan et j'en oublie tout le reste ;)

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  9. Je viens de lire "Toxique", repéré chez toi, et je suis encore sous le choc de cette lecture...

    ps : tu m'es une grande source d'inspiration de lectures en ce moment ! :)

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  10. @Soukee : Super ! Ca me fait très plaisir, je ne manquerai pas ton avis ;)

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  11. Hummm, tu n'es donc pas tombé dans le piège de l'ennui... Comme tu le sais, je n'ai pas su y échapper...

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  12. Pas moi... je n'aime pas son style et je la trouve rasoir...

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  13. Je viens de le terminer,je lui ai trouvé beaucoup de charmes effectivement, cette petite musique propre à Sagan comme dit si justement Mango.
    Mais je lui ai également trouvé un petit coté désuet,il a moins bien vieilli que Bonjour tristesse.

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  14. je me souviens qu'il m'avait beaucoup plu ce titre!
    et voilà que ça me donne envie de relire "Bonjour tristesse"!

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  15. J'arrive de chez Delphine et je découvre (enfin) ton blog) ! J'en suis à mon 4ème d'elle plus le film avant-hier (qui m'a tiré des larmes!!) et je ne me lasse ni de sa musique, ni de sa concision à exprimer autant de choses en peu de mots. Je n'ai pas lu celui-ci mais j'avais mis une video sur mon blog avec Annie Girardot où elle parlait du "triangle" amoureux, indissociable pour elle d'une relation...savoureux !!

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  16. @Asphodèle : je ne connaissais pas l'existence de cette video ! Je file voir sur ton blog de quoi il en retourne ;)

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