20 mars 2010

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme - Stefan Zweig


"Vingt quatre heures de la vie d'une femme" est une nouvelle de l'écrivain autrichien Stefan Zweig parue en 1927.
Ce court récit nous emmène au large de la côte d'Azur, dans une pension de famille où séjournent plusieurs couples de riches notables.
Tout semble se passer pour le mieux jusqu'à ce qu'un événement inattendu vienne semer la zizanie dans la pension : Madame Henriette, l'une des épouses, s'en est allée sans crier gare, laissant mari et enfants pour batifoler avec un mystérieux inconnu.
Tous les pensionnaires s'interrogent; les langues se délient et les médisances vont bon train. Seul le narrateur et une dame âgée prendront le parti de la "mauvaise épouse". S'entame alors entre eux un débat suivi de ce qui sonne peut-être bien comme une confession...

Ce récit s'ouvre assez rapidement sur la disparition de Madame Henriette que le narrateur (qui comme souvent pourrait être l'auteur lui-même) ne décrit que très brièvement avant de céder la place à une narratrice, une vieille dame anglaise qui prétend avoir un secret qu'elle souhaite partager avec lui.
S'ensuit le long monologue de cette femme, devenue veuve à 40 ans et qui, jusqu'à sa rencontre avec un jeune homme désoeuvré, portait infailliblement le deuil de son mari.
Celle-ci raconte à son interlocuteur/au lecteur comment en 24 heures, sa vie, ses convictions, sa raison ont pu être évincées d'un seul coup par une rencontre improbable, cause d'un sentiment à la fois désarçonnant et angoissant.

" Mais ce n'était pas un évanouissement véritable, dans lequel on n'a plus conscience de rien; au contraire : avec la rapidité d'un éclair, tout fut pour moi aussi conscient qu'inexplicable et je n'eus plus que le désir de mourir de dégoût et de honte à me trouver ainsi, tout à coup, avec un être absolument inconnu, dans le lit étranger d'un hôtel borgne et des plus suspects.
Je m'en souviens encore nettement : le battement de mon coeur s'arrêta, je retins mon souffle comme si j'avais pu par là mettre fin à ma vie et surtout à ma conscience, à cette conscience claire, d'une clarté épouvantable, qui percevait tout et qui, cependant, ne comprenait rien." p.77

Je poursuis, toujours avec plaisir, ma découverte de Zweig et le moins que je puisse dire est qu'encore une fois je n'ai pas été déçue.
Zweig nous parle ici d'amour et de jeu de hasard avec, au confluent de ces deux thèmes, la passion, toujours envisagée par l'auteur dans son sens premier.
Une passion fulgurante, extrême, qui emporte tout sur son passage. Une véritable fièvre, source de troubles physiques, de confusion de l'esprit et qui balaie en un instant toute forme de raison.
L'auteur avait déjà abordé la passion du jeu dans "Le Joueur d'échecs" ainsi que la passion amoureuse dans "Lettre d'une inconnue" ou encore "La Confusion des sentiments".
" Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" fait cohabiter ces deux aspects. Deux êtres succombent chacun à une passion qui leur fait à la fois office de remède et de poison tant celle-ci alimente leur feu tout en les faisant courir à leur perte.
Les deux êtres dont il est question dans ce récit aiment chacun quelque chose/quelqu'un mais ne se rencontrent pas. Chacun reste enfermé dans sa bulle, animé par une douce folie dont il est à la fois maître et victime.

" Je ne compris pas ce qu'il voulait dire. Je remarquai seulement que le jeu l'avait enivré, que cet insensé avait tout oublié, son serment, son rendez-vous, l'univers et moi. Mais même dans cet état de possession, la lueur d'extase qu'il venait d'avoir en me voyant était si séduisante que, malgré moi, je suivis le mouvement de ses paroles et que je lui demandai avec intérêt de qui il voulait parler." p.114

Outre le parfait récit de la confusion causée par une passion dévorante, plus je lis Zweig, plus je me rends compte que ce qui me touche le plus dans son traitement de ce thème, c'est l'extrême solitude dans laquelle vivent ces personnages, abandonnés à eux-mêmes à cette dépendance qui les dépasse et les enchaîne à l'objet de leur passion.
Privés de lui, loin de s'en libérer, ils le réclament. En sa présence, ils souffrent de ne pouvoir en sortir car la passion ne connaît jamais le répit.
A travers ses nouvelles, l'auteur semblait vouloir dire à quel point la passion pouvait être ambivalente. Tantôt gage de bonheur, tantôt promesse d'une existence malheureuse, elle est en tout cas selon lui un sentiment auquel personne ne semble pouvoir échapper.

" Vieillir n'est, au fond, pas autre chose que n'avoir plus peur de son passé." p.123

Une nouvelle à lire absolument ! Faites plus simple, lisez tout Zweig ^^

PS : pour ceux qui se posaient la question, la peinture représentée en couverture est une toile signée Gustav Klimt et intitulée "Portrait de Sonja Knips".

"Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" était une lecture commune avec Manu et Clara dont je file découvrir les billets !

D'autres avis chez BOB !

19 commentaires:

  1. Je crois qu'effectivement c'est plus simple de tout lire ! ;-)

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  2. Tu es plus enthousiaste et surtout, ton billet est plus fouillé que le mien :-) J'avoue que je me suis un peu ennuyée au début de ce roman. Sans doute que les conditions n'étaient pas idéales mais ça a nui à ma lecture !

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  3. Et trois challenges d'un coup! Bravo... Zweig, c'est vraiment du très bon, continue.

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  4. je viens de lire tout le bien qu'en dit aussi manu - je vais donc ajouter ce roman à ma LAL

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  5. Moi je crois que cet auteur va me plaire ! Mais t'as vu, j'ai résisté à m'inscrire au challenge ! :)
    Bon sinon, il va etre temps de changer ton cynthia express... je dis ça, je dis rien... ;)

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  6. C'est le 3ème livre que j'ai lu de Zweig et encore une fois j'avais adoré !

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  7. Je ne connais pas encore ce livre de Zweig, mais je le lirai un jour puisque Zweig ne me déçoit pas souvent. ;) (Sauf le dernier que j'ai lu de lui. :/)

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  8. Tout ce que je vois de Zweig sur les blogs me donne envie de goûter à cet auteur!

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  9. Un livre à rajouter dans ma PAL !

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  10. Il faut vraiment que je lise du Zweig urgemment !

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  11. @Bladelor : oui et personnellement je ne m'en lasse pas !

    @Manu : apparemment tu as par contre dévoré la seconde partie, une histoire qui finit bien en somme ;)

    @Keisha : mais j'y compte bien ;)

    @Clara : oui et tu n'es pas au bout de tes surprises !

    @Niki : bonne idée ^^

    @Choco : écoute qui parle, madame "PAL à jour en septembre 2009"...^^

    @Kikine : deviendrais-tu accro? Dans ce cas, bienvenue au club !

    @Leiloona : ah dans ce cas je vais aller voir sur ton blog quel est ce titre qui ne t'a pas plu !

    @Mélusine : comme je te comprends !

    @Pauline : alors fooooooonce !

    @Gio : hé oui, encore un ^^

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  12. Je vais suivre ton conseil, ce sera ma prochaine lecture de Zweig! :o)

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  13. Pour l'instant je n'ai lu que Le joueur d'échecs de Zweig mais j'ai adore ! Je vais poursuivre ma découverte !

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  14. Je pense que tu es mûre pour devenir une spécialiste de ccet auteur que j'aime tant, Cynthia ! Ce qui fait plaisir, c'est de voir tout cet engouement autour de Stefan Zweig sur la blogosphère ... C'est un peu le "Jane Austen" masculin ;-D

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  15. J'ai lu cette nouvelle depuis et beaucoup aimé. En relisant ton billet, je trouve intéressant ton analyse sur la solitude des personnages, je n'y avais pas songé, mais c'est vrai que jusqu'à présent dans les textes que j'ai lus de Zweig c'est récurrent...

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  16. J'aime beaucoup ton analyse!! Et j'ai aussi vraiment aimé cette nouvelle!

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  17. Sur le coup, je n'ai pas vraiment accroché à l'histoire, c'est plutôt une fois le livre refermé que j'ai compris toute l’ampleur du texte !
    C'est un petit coup de cœur pour moi :)

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